MARCHER, PAPOTER, le résumé
Quartier de Caïs à Fréjus, on peut apercevoir en passant sur la route de Bagnols une bâtisse bien singulière, de style africain, de couleur ocre foncé ; un panneau indique « Mosquée Missiri ». Une mosquée ? Bien curieuse mosquée ! Et que fait cette mosquée en ce lieu, sur un terrain vague et entourée d’un grillage ! Mais est-ce vraiment une mosquée ?
Les camps de transition de l’armée coloniale en 14-18 installés à Fréjus, puis la création en 1925 d’un centre de formation pour les officiers de cette même armée, amenèrent en effet de nombreux soldats africains à séjourner dans la ville. Les soldats indochinois avaient eu leur pagode en 1917, il était donc tout naturel d’avoir aussi un lieu de culte pour les soldats africains. Mais la « force noire », comme on l’appelait alors, constituée de soldats venus de différents pays africains, tous regroupés sous la bannière des « Tirailleurs sénégalais », célèbre bataillon créé en 1765, était un patchwork d’ethnies différentes animistes pour une grande majorité. Ces hommes stationnaient plusieurs mois à Fréjus et c’est pour guérir le « mal du pays » qu’un officier, fils du roi du Soudan, en charge du bataillon réclama en 1928 une construction qui puisse rappeler leur Afrique natale à ces hommes momentanément déracinés. En 1930 fut inaugurée « Missiri », qui veut dire mosquée en langue soudanaise. Mais « Missiri » inspirée de la grande mosquée de Djenne sur le Niger au mali (ancien Soudan) n’a rien d’une mosquée. Pas de toit, une simple coursive le long du mur d’enceinte, pas de salle de prière, pas de porte orientée vers la Mecque, pas de minaret et pas de point d’eau pour les ablutions, elle n’a de mosquée que le nom soudanais. La bâtisse semblable à un petit fortin, un « Tatta » africain, se trouvait d’ailleurs entourée de cases en paille afin de reconstituer un village de brousse africaine et même quelques fausses termitières en béton avaient été dispersées aux alentours pour faire ambiance savane ; il s’agissait donc d’un simple décor ! Les soldats s’y réunissaient pour palabrer, jouer du tam-tam ou faire leurs sacrifice de poulets à l’écart des regards indiscrets.
Une fois les colonies perdues, l’armée coloniale devint Armée d’Outre-Mer en 1958, puis Régiment d’Infanterie de Marine en 1961. Il reste actuellement le 21ème RIMA au Camp Lecoq. Dans le quartier de Caïs, entourés de lotissements et d’écoles, demeurent « la Missiri » quelques fausses termitières et un beau bâtiment de style indochinois témoins de ce passé atypique du Fréjus ville de garnison.
La Missiri est inscrite depuis 1987 sur l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques.