Marcher, papoter : le résumé
On croyait avoir fait le tour de la question avec la ruralité dans notre environnement immédiat, mais non ! Il reste Roquebrune-sur-Argens ! La plus vaste commune de notre Var-Est !
Une commune bien atypique en vérité dont le triptyque géographique – mer, collines et plaines alluviales – détermine sur une étendue de 27 km allant du nord au sud trois zones d’habitations bien distinctes et quelque peu disparates : un village millénaire au centre, les Issambres sur la côte et la Bouverie à la limite des falaises de l’Estérel. L’économie aussi de ce fait se décline en trois volets : le tourisme essentiellement sur la côte, une zone commerciale en plein essor autour de la Nationale 7 près de la Bouverie et une agriculture encore bien présente dans la plaine.
Une destinée agricole qui remonte d’ailleurs à l’Antiquité ! Il est vrai que les cours d’eau qui traversent la commune, le Blavet et l’Argens ont préparé le sol pour le rendre fertile à souhait ; un fin limon, léger, aéré et humidifié en profondeur par les marais voisins a été déposé par eux aux cours de milliers et de milliers d’années. Les romains de Forum Julii y avaient installé de part et d’autre de l’Argens deux immenses domaines agricoles où oliviers et vignes primaient : Villa Vallis (quartier Saint Pierre actuel) et Villa Burnis (quartier de Palayson). Leurs fermes abritaient les ouvriers agricoles mais les Maîtres vivaient ailleurs tant ils craignaient les crues des deux fleuves. Après le départ des romains les roquebrunois mirent plusieurs siècles avant d’oser réinvestir la plaine pour la cultiver.
Le fleuve, l’Argens, bénéfique et redoutable à la fois était aussi un frein au développement agricole de la commune. Une commune qui vivait en retrait de la région enfermée par une boucle du fleuve dont aucune voie de communication ne permettait le passage direct, seules deux barques actionnées par des passeurs étaient en activité à certaines heures de la journée, difficile dans ces conditions de pratiquer des échanges réguliers avec les communes voisines. Il fallut attendre 1829 pour avoir un premier pont au niveau de Palayson.
Le pont, la route, le train, la gare, une certaine maitrise des crues du fleuve encouragèrent les roquebrunois qui s’engouffrèrent alors dans une actualité agricole mouvementée. En effet, des modes passèrent sur le monde rural aux siècles où tout était à découvrir.
Dans les années 1850, par exemple, la commune se couvrit de muriers, on vit éclore les magnaneries partout, chaque famille possédait son cheptel de vers à soie, c’est dire si ce devait être rentable ! Mais l’industrie trouva à fabriquer des fibres synthétiques et dès 1900 les vers à soie passèrent de mode. Des muriers on passa aux arbres fruitiers, essentiellement des cerisiers, les magnifiques fruits rouges bien calés dans les paniers fabriqués avec les joncs des rives de l’Argens partaient par le train vers la France entière, mais Roquebrune n’était pas le seul producteur, et il y avait mieux à faire : la fleur coupée, c’était la grande mode ! Horticulteurs et pépiniéristes couvrirent alors la commune d’armatures en fer et de vitres opaques. Les serres serrées les unes contre les autres donnèrent à la plaine une allure beaucoup moins bucolique que les vergers de cerisiers ! Ce fut l’augmentation du pétrole et les grandes crues qui eurent raison cette fois ci de cette manne agricole. Les horticulteurs se firent moins nombreux, mais leurs serres demeurèrent et les stigmates de cette agriculture sont encore bien visibles et se dégradent aux rythmes des intempéries.
Ah, mais oui ! Il y avait aussi la vigne bien sûr ! Et sous la demande accrue des touristes les roquebrunois augmentèrent leur production qui se faisait jusqu’alors par quelques rangées de vignes dans un coin de champs uniquement pour leur propre consommation. Ils n’hésitèrent pas à détruire quelques oliveraies pour cela, la vigne pris de l’ampleur si bien qu’une coopérative vinicole fut créée en 1906. Mais les goûts changeant il fallut adapter les cépages à la nouvelle demande. En 1980, une prime à l’arrachage bouleversa à nouveau le paysage rural. Une aubaine pour les sociétés immobilières, campings et lotissements fleurirent à leur tour et remplacèrent les vignobles !
Et nous voilà aujourd’hui ! Que reste-t-il de ce passé agricole ? Encore de belles parcelles ! Un patchwork de cultures : vignes, oliveraies, vergers, maraîchages et fleurs se côtoient et s’immiscent entre les terrains du golf, les haras, les lotissements et les campings. Saluons le courage de ces agriculteurs qui font de la résistance pour faire perdurer une plaine verdoyante sur la commune de Roquebrune-sur-Argens. Ils connaissent bien les potentiels de ce sol, ce serait dommage de les abandonner.
Dans les serres de l'exploitation "Au marché des garrigues"
La défense d’une agriculture de proximité passe par nous, les consommateurs !
Sous un murier centenaire, vestige des champs de culture des vers à soie